Alphabet – MADD Maths http://maddmaths.smai.emath.fr Mathématiques Appliquées Divulguées et Didactiques Fri, 15 Jul 2022 14:35:16 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.4.2 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/wp-content/uploads/2016/04/cropped-logo3-32x32.jpg Alphabet – MADD Maths http://maddmaths.smai.emath.fr 32 32 I comme Irrationnel http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/05/i-comme-irrationnel/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/05/i-comme-irrationnel/#respond Thu, 05 Jan 2017 08:17:10 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=1169 [...]]]> Un nombre peut-il être… «irrationnel» ? Bien sûr. Et c’est même très courant en mathématiques…

Penser qu’une discipline strictement logique et cérébrale comme les mathématiques puisse avoir donné naissance, avec une certaine satisfaction même, au concept d’irrationnel semble un véritable paradoxe.lo35_pag4

Cependant, ce n’est pas un paradoxe de type linguistique parce que le mot latin ratio, en plus de signifier raison, indique le rapport, la comparaison entre les grandeurs.

Par conséquent, les nombres rationnels sont des rapports de nombres entiers : moitié de pomme, deux tiers de gâteau, un quart de litre, etc. Et ceux qui ne sont pas rationnels en ce sens, ne peuvent qu’être appelés irrationnels.

La nécessité de cette catégorie est inhérente au problème de la mesure des longueurs ou des aires. Si je cherche une maison de cent mètres carrés, c’est-à-dire dont le sol peut être recouvert d’une centaine de tuiles carrées d’un mètre de côté, que faire si je tombe sur une maison circulaire ? Quelle est la longueur du rayon qui répond parfaitement à mes besoins ?

Il s’agit d’un problème analogue à celui de déterminer la longueur de la diagonale d’un carré de côté égal à 1 mètre, par exemple. Comme l’affirme le théorème de Pythagore, la réponse à cette question est un nombre qui multiplié par lui-même donne comme résultat le nombre 2.

Une pause de réflexion et une courte séquence d’implications logiques montrent qu’il n’existe aucun rapport de nombres entiers qui ait cette propriété !

Je peux me permettre de diviser en fractions, aussi petites que je veux, l’unité de mesure en question, mais je n’arriverai jamais, avec tout mon engagement et toute précision chirurgicale, à reproduire la longueur exacte requise.

Si ma précision est de l’ordre du centimètre, je m’apercevrai que cent quarante un centimètres sont trop peu nombreux et cent quarante deux centimètres trop nombreux ; si j’améliore ma technologie à l’ordre du millimètre, je vais trouver que mille quatre cent quatorze millimètres sont pas assez et mille quatre cent quinze sont trop, etc…

Bien que je puisse affiner ma précision, la longueur que je cherche s’échappe et s’enfuit à l’infini.

Il y a donc un écart entre le monde des nombres, en tant que rapport des entiers, et le monde des longueurs, des mesures. Écart qui jeta le trouble parmi les pythagoriciens pour lesquels tout était nombre. Accepter la présence d’entités physiques, si promptes à s’échapper de toute classification numérique rationnelle, n’a pas été une mince affaire.

La solution du problème réside dans le bon vieil adage : si vous ne pouvez pas vaincre votre ennemi, alors faites-en votre ami.

Plus précisément, avec la liberté typique de la pensée mathématique, on peut décider pacifiquement qu’il n’y a aucune raison pour laquelle on devrait appeler nombre seulement un rapport d’entiers.

Mieux vaut construire un ensemble plus large qui contient en son sein, en plus des nombres rationnels, tous les autres éléments qui correspondent à des longueurs non mesurables avec les rationnels : les nombres irrationnels, pour être précis.

Visuellement, l’ensemble des nombres rationnels peut être considéré comme une séquence de points très dense ; d’ailleurs il est possible de réaliser des nombres rationnels arbitrairement petits : un, un dixième, un centième, un millième…

L’existence de longueurs non-rationnelles indique que l’ensemble des rationnels, bien que déployé partout de manière obsessionnellement dense, est encore plus criblé de trous qu’un fromage suisse. Chaque trou correspond à un nombre irrationnel et la solution consiste à boucher tous ces trous en les déclarant, à partir de maintenant, eux-mêmes nombres : racine de deux, le nombre d’or, Pi…

Eh oui, même Pi est un nombre irrationnel, tout comme la racine de deux, il provient d’un problème de mesure : l’aire d’un cercle de rayon de longueur 1 est justement égale à Pi.

Alors… trois quatorze ? Absolument pas ! Trois quatorze est le nombre rationnel 157/50. Pi est égal à Pi, c’est tout.

Dans un certain sens, Pi est un nombre encore plus bizarre que racine de 2. Son étrangeté est codée en disant que c’est un nombre transcendant, à la différence de racine de 2 qui est algébrique. La distinction réside dans le fait que si ce dernier nombre vérifie la relation x^2 – 2 = 0, Pi, lui, n’est solution d’aucune équation polynômiale à coefficients entiers (ce qui peut être démontré avec une certaine dose de patience et d’expertise technique, c’est un théorème de Lindemann).

Cela n’est pas sans conséquence : par exemple, de la transcendance de Pi découle le fait que la quadrature du cercle, c’est-à-dire la construction d’un carré avec la même aire que celle d’un cercle à la règle et au compas, est impossible.

Ces distinctions et détails piquent peut-être votre curiosité (nombres irrationnels, nombres transcendants, constructions avec règle et compas…) mais, dans la pratique, comment l’irrationalité influence-t-elle l’utilisation des nombres en tant qu’outils de mesure du monde qui nous entoure ?

Je vais être honnête : cela change très peu, voire presque rien. En fait, dans toutes les activités humaines, on travaille toujours avec un certain seuil minimal d’erreur, qui peut changer en fonction des goûts et des problèmes : un mètre, un millimètre, un micron…

C’est pour ça que nous avons tendance à dire que Pi vaut trois quatorze, en oubliant que la séquence infinie des décimales suivantes est toujours pleine de surprises. Souvent, approcher Pi par 157/50 n’est pas grave, si on s’autorise une erreur inférieure à un centième.

L’étude des nombres irrationnels est donc surtout une activité de type mathématique, indispensable essentiellement lorsqu’on veut construire un édifice logique solide sur lequel fonder des théories accompagnées de théorèmes et de preuves rigoureuses.

Bref, même si cela peut sembler bizarre, il faut admettre que le monde rationnel des mathématiques repose sur une base significative d’irrationalité !

Traduit à partir de la versione originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

]]> http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/05/i-comme-irrationnel/feed/ 0 L’alphabet : H comme Théorème-H http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/07/31/lalphabet-h-comme-theoreme-h/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/07/31/lalphabet-h-comme-theoreme-h/#respond Fri, 31 Jul 2015 11:00:13 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=366 [...]]]> Ne stressez pas pour toujours tout ranger : ce serait inutile. Le désordre (dans l’Univers) ne peut qu’augmenter. C’est la thermodynamique qui le dit, pas moi. Si vous ne croyez pas aux physiciens, sachez que les mathématiciens le confirment avec un théorème péremptoire et inéluctable comme celui de Pythagore : le Théorème-H. Pas de souci, rien à voir avec la bombe, ici, nous sommes tous des pacifistes.

 

theoreme_HLe mérite (ou la faute) doit être attribué à Ludwig Boltzmann. À l’époque, l’autrichien était persuadé que le mouvement d’une myriade de particules, qui bougent et se heurtent dans une boîte, était pratiquement identique à celui des particules d’un gaz. Pas seulement. Si les particules sont indiscernables, suivre le mouvement spécifique de chacune de ces boules de billard microscopiques n’est pas indispensable. Il suffit de garder un œil sur la répartition totale des particules en mouvement avec chacune sa vitesse.

Papier et stylo à la main, on écrit alors un certain nombre de rapports qui décrivent comment varie au fil du temps la quantité totale de particules qui se déplacent avec une vitesse donnée vers le nord-est, de celles qui vont avec une autre vitesse vers sud-ouest, et d’autres encore.

Quantité, relations et variations. La cuisine est faite : vous vous retrouvez dans les mathématiques des équations différentielles. De Boltzmann, en l’occurrence. Les configurations macroscopiques possibles sont encore trop nombreuses et prévoir l’évolution à partir d’une situation donnée reste prohibitif.

Le point de vue statistique suggère l’introduction de quantités globales associées à chacune de ces configurations. Dans cette logique, apparaît comme par magie la fonctionnelle H, chargée d’associer à chaque arrangement possible un numéro spécifique. Au passage du temps, en changeant la configuration, la valeur H change également. Eh bien, le Théorème H indique que la valeur de la fonctionnelle ne peut que diminuer. Juste ça. Pas frappant à première vue. Mais si nous interprétons H comme l’opposé de l’entropie, nous obtenons une preuve rigoureuse de la croissance de l’entropie au passage du temps. Puissance de la mécanique statistique.

Si vous n’êtes pas tellement convaincu de ce lien direct entre H et l’entropie, ou si vous n’avez pas vraiment compris en quoi consiste finalement cette entropie, pas grave. Les conséquences du Théorème-H se voient quand même : la décroissance indique la présence d’une direction dans le passage du temps. La bien connue flèche du temps. Toute encodée dans le signe d’une simple dérivée première. Pas mal.

Une voix discordante se charge de rappeler que les théorèmes ne sont pas des vérités absolues. Même le théorème de Pythagore, avec tout le respect dû à Euclide, est faux en géométrie sphérique. Tous les résultats mathématiques ont leur domaine de validité défini par les fondements de toute la construction. Le Théorème-H n’échappe pas non plus à cette règle. Dans le cas d’équations de Boltzmann, il y a un choix spécifique au type d’interaction entre les microscopiques boules de billard. On l’appelle l’hypothèse du chaos moléculaire et cela consiste à supposer l’absence de corrélation entre les vitesses des particules qui entrent en collision.

Comme tous les énoncés qualitatifs, le Théorème-H a aussi ses répercussions en dehors du domaine de la mécanique statistique et la dynamique des gaz. La plus jeune soeur de la fonctionnelle H, née sous l’égide de Claude Shannon, est à la base de la théorie de l’information. La fonctionnelle H de Shannon, version discrète de la H de Boltzmann, mesure, à sa manière, l’incertitude et la compressibilité d’une séquence de données et, en tant que telle, est considérée comme une plausible définition d’entropie de l’information.

Il reste la curiosité littérale pour le choix du symbole H. Il ne s’agit pas d’une aspiration entropique, mais de la majuscule de la lettre grecque “eta”. À la rigueur, donc, on devrait parler de Théorème Eta. Alors ces lignes trouveraient leur habitat naturel dans la version grecque de MADDMaths (s’il y en avait une).

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : G comme Gradient http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/03/21/lalphabet-g-comme-gradient/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/03/21/lalphabet-g-comme-gradient/#respond Sat, 21 Mar 2015 11:00:59 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=363 [...]]]> Tout phénomène naturel a lieu à cause de la présence d’un gradient. Un gradient topographique (avec de la pluie) génère une rivière et un gradient d’énergie élastique, accumulée petit à petit à l’intérieur de la croûte terrestre, est responsable d’un tremblement de terre. Quand nous faisons les courses au rayon de fruits et légumes du supermarché, nous gelons : c’est la faute du gradient de température. Quand nous en sortons, nous avons l’impression de crever de chaud. Encore la faute au gradient, seul responsable de cette variation thermique.

 

gradientIl y a plusieurs façons de mesurer le changement des choses et, concernant le gradient, la question est relative. Le choc thermique que nous subissons en faisant les courses est dû au fait que hors du supermarché il y a trente degrés à l’ombre et, passé la porte, la température passe rapidement a quinze degrés. Un saut de quinze degrés en quelques mètres. Changement, oui, mais rapide. Ou encore plus précisément, changement raide. Ce que nous mesurons, ce n’est pas la différence absolue entre deux valeurs, mais la différence relativement à la longueur de la distance parcourue en cette transition. Il s’agit d’un rapport entre dimensions : saut de température divisé par la distance parcourue.

Qui y voit une similitude avec le concept de dérivée est sur la bonne route : le gradient est, pratiquement, une dérivée. Mais avec une différence : tandis que la dérivée détermine la pente d’une courbe et nous restreint à un parcours unidimensionnel, le gradient a la liberté d’un déplacement bien plus grand.

Revenons à l’exemple de la température. Imaginons une pièce et, pour simplifier, arrêtons l’avancement du temps. À chaque point de la pièce on peut y associer sa valeur de température. Près des chauffages (allumés si on est en hiver) la température est élevée, près des fenêtres (ouvertes… même en hiver !) elle est basse. En considérant un point de départ dans la pièce, nous pouvons déterminer plusieurs directions de déplacement (en haut, en bas, à droite, à gauche, en diagonale, transversalement, …) et pour chacune d’entre elles il est possible de déterminer le rapport correspondant entre la variation de température et la distance parcourue. Ainsi et en passant à la limite dans les longueurs des distances au dénominateur, à chaque point de la pièce est associé un objet mystérieux qui codifie la rapidité des changements thermiques selon la direction de déplacement.

En mathématiques l’objet mystérieux a un nom précis, il s’appelle « différentielle », et il vit dans le monde de l’Algèbre Linéaire. Pour un miracle du monde qui nous entoure, il est possible de décrire cette fantomatique différentielle par une quantité plus facile à manipuler : le gradient. Dans l’exemple précédent, en chaque point (de la pièce), le gradient (de température) est identifié à un vecteur dont la direction correspond à celle de variation maximale, et la longueur décrit la rapidité de variation (de température). Notre pièce est ainsi peuplée de vecteurs qui, point par point, indiquent selon quelle direction nous devons nous déplacer si nous cherchons un endroit plus chaud.

nablaUne fois l’objet défini – dont le symbole est un triangle isocèle à tête en bas, appelé « nabla » à cause d’une ressemblance avec un type d’harpe de la Grèce antique – et le concept formalisé, l’amusement est garanti. Laissant à nouveau le temps s’écouler, et faisant confiance à Jean-Baptiste Fourier, nous pouvons supposer que la chaleur se déplace dans la pièce selon la direction opposée à celle indiquée par le gradient, donc dans la direction de variation maximale de température et du chaud vers le froid. Utilisant papier et stylo pour compléter le bilan de quantités en jeu, nous retrouvons la célèbre « équation de la chaleur » qui décrit l’évolution des conditions thermiques de la pièce à partir de maintenant jusqu’à la fin des jours.

De la même façon, de nombreux autres modèles existent dans lesquels les variations temporelles d’une quantité observée sont guidées par un gradient. Avec un seul mot et un seul instrument nous pouvons jouer des musiques apparemment différentes : le déplacement de charges électriques (loi d’Ohm), l’hydraulique et la construction des fontaines de Dijon (loi de Darcy), le transport de masse (loi de Fick), etc. Les contextes, les problèmes et les significations physiques changent, mais au bout du compte il s’agit toujours de la mélodie du gradient.

 

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : F comme Fractale http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/11/22/lalphabet-f-comme-fractale/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/11/22/lalphabet-f-comme-fractale/#respond Sat, 22 Nov 2014 11:00:52 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=360 [...]]]> Nous avons tous dans notre jeunesse été amenés à colorier un motif avec un crayon de couleur bien taillé en traçant des lignes brisées continues. Nous sommes-nous donc interrogés sur le fait que notre motif pouvait être colorié complètement à l’aide d’une ligne brisée infinie ?

floconUne figure fractale, terme introduit par Benoît Mandelbrot en 1974, est une courbe ou une surface de forme irrégulière. Chaque fractale possède un motif élémentaire qui se répète une infinité de fois à différentes échelles, ce que l’on nomme principe d’auto-similarité. Ainsi, en observant une fractale avec des loupes de plus en plus grossissantes, on observerait des motifs dont les formes seraient similaires. Par exemple le Flocon de Von Koch ci-dessus.

Fruit de l’imagination des mathématiciens, ces objets peuvent aussi se rencontrer dans la nature, par exemple : choux, feuilles de fougères, cratères de la lune, …

fougereLes mathématiciens ont également trouvé des propriétés spécifiques dues à la forme très irrégulière d’objets fractals. Par exemple les murs anti-bruits, les antennes des téléphones portables, les animations numériques des films et jeux vidéo, la création d’objets d’art, … Pour vous convaincre encore plus que les objets fractals sont présents dans votre quotidien et aussi dans l’imaginaire artistique, nous vous proposons de visionner le film : À la recherche de la dimension cachée.

 

Pour aller plus loin, vous pouvez aller voir les chapitres 5 et 6 du film Dimensions.

 

Texte de Philippe GRILLOT (Université d’Orléans).

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L’alphabet : E comme exponentielle http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/06/24/lalphabet-e-comme-exponentielle/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/06/24/lalphabet-e-comme-exponentielle/#respond Tue, 24 Jun 2014 11:00:47 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=354 [...]]]> Des élevages de lapins… aux comptes bancaires : l’exponentielle ne concerne pas seulement les célèbres « croissances », mais elle nous réserve bien d’autres applications et d’autres surprises…

expGénéralement l’exponentielle (et sa réciproque : le logarithme) est considérée comme un objet « difficile », à éviter si possible. Sauf quand on parle de « croissance exponentielle ». Partons de ce point.

Imaginons que l’on veuille contrôler la croissance d’une population, par exemple, de lapins. Nous voulons savoir, année par année (ou mois par mois), combien de lapins nous avons, mais ce qui nous intéresse le plus est de savoir la variation du nombre de lapins d’une année à la suivante (donc la différence du nombre de lapins entre 2009 et 2010, par exemple).

Un modèle prédictif qui nous donne combien de lapins nous avons doit indiquer combien vaut cette augmentation. Un premier modèle très simple pourrait, par exemple, affirmer que la variation est constante : chaque année nous produisons 10 lapins de plus. La croissance, alors, sera facilement calculable : 10 lapins par année, donc la deuxième année nous aurons 10 lapins de plus que ceux que nous avions initialement, la troisième année 20 lapins de plus, et ainsi de suite. La croissance est donc linéaire (sur un graphe année/nombre de lapins) et le graphique qui représente cette situation est une droite.

Néanmoins, ce modèle n’est pas si convaincant, parce qu’en réalité plus il y a de lapins, plus il en naît. Donc si 10 est le nombre de lapins produits par un couple de lapins chaque année, chaque année nous aurons une augmentation de 10 lapins multiplié par le nombre de couples. Ainsi, plus nous avons de couples, plus notre production annuelle augmente ! Le cadre déterminé par ce nouveau modèle est justement celui d’une croissance exponentielle, donc quelque chose du type 10 puissance n : 10 fois 10 fois 10 fois 10…, et ceci, autant de fois qu’il y a d’années passées.

Nous trouvons le même type de mécanisme pour les comptes bancaires. Tous les ans la banque donne un « bonus », lié au fait que nous y avons déposé notre argent, et qui est proportionnel au dépôt. Ce qui est indiqué n’est pas la variation absolue du compte en un an, mais le « taux d’intérêt », c’est à dire le rapport entre la variation absolue et la valeur du dépôt. Ce système correspond exactement au modèle de croissance exponentielle de lapins. On se demande donc pourquoi nous ne voyons pas une énorme augmentation de notre compte bancaire… La réponse peut s’obtenir en raisonnant comme pour les lapins : 1 fois 1 fois 1 fois 1… et ce, autant de fois qu’il y a d’années passées, donne toujours 1. Donc à la fin, nous obtenons toujours le dépôt initial ! En réalité, dans le calcul il faut remplacer 1 par un nombre légèrement plus grand, mais essentiellement ceci ne change pas grand chose (la croissance n’est pas aussi rapide que nous le voudrions !)…

En mathématiques, pour des raisons trop longues à expliquer en quelques mots, on s’intéresse particulièrement à l’exponentielle qui a pour base le nombre de Néper, qui est noté « e ». Il nous intéresse, par exemple, de savoir combien vaut e fois e fois e fois e… Il s’agit d’un nombre qui intervient dans plusieurs situations et qui donc a une forte popularité dans la communauté. Le nombre e, comme π (pi grec), est un nombre irrationnel, c’est-à-dire que ses décimales n’ont aucune forme de périodicité.

Ce qu’une exponentielle fait, le logarithme le défait

Parlons, pour conclure, d’un autre point douloureux : le logarithme. D’où sort-il ? Si nous savons additionner, très vite nous aurons aussi envie de soustraire. Et si nous savons multiplier, de diviser. La soustraction et la division sont les opérations réciproques de l’addition et de la multiplication. En pratique, si additionner et multiplier nous donnent une certaine valeur, pour revenir aux valeurs initiales il faut soustraire et diviser. De la même façon, le logarithme est l’opération réciproque de l’exponentielle, et donc pour résoudre des problèmes avec des exponentielles son utilisation est indispensable. Ce qu’une exponentielle fait, le logarithme le défait. Pratique, non ?

 

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : D comme Distance http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/02/20/d-comme-distance/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/02/20/d-comme-distance/#respond Thu, 20 Feb 2014 11:00:58 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=348 [...]]]> Beaucoup de concepts mathématiques ne sont en réalité que le résultat de la formalisation, ou la clarification d’« objets » concrets ; par exemple, la notion de « distance ».

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« Quelle est la distance de chez moi au travail », « combien de temps faut-il pour se rendre à tel endroit », … sont toutes des pensées qui communément, spontanément, viennent dans nos esprits.

Il y a plusieurs « types » de distances. Une distance à vol d’oiseau, par exemple, est différente de celle qu’on trouve en parcourant une route. En plus des distances physiques, il y a les distances temporelles et même là, la situation peut être de nature différente : combien de temps cela va-t-il prendre ? Vais-je y aller à pied, en voiture, en vélo, en bus ?

Chaque distance est relative à un problème, à une situation différente. C’est une caractéristique des mathématiques : découvrir que certaines quantités, que l’on introduit dans des contextes différents, en réalité sont des exemples d’un même concept abstrait. C’est de là qu’on déduit une définition, c’est-à-dire qu’on arrive à définir précisément le sens d’un certain mot.

On baptise alors « distance » un objet qui possède certaines propriétés, afin de rendre clair et non ambigu pour tous ce concept. Il s’agit de déterminer un vocabulaire commun pour tous les mathématiciens.

une propriété de minimisation

La propriété la plus importante de la distance est une propriété de « minimisation ». L’idée est que la distance est toujours celle qui correspond à la valeur minimale par rapport à de nombreuses stratégies possibles. Si, par exemple, on demande la distance entre Paris et Lyon, on se réfère à la route minimale qu’il faut parcourir ; on ne va pas chercher à passer par Bordeaux ou Rennes, on cherche l’itinéraire le plus direct. La formalisation de cette propriété de minimisation est donnée par la fameuse inégalité triangulaire : la distance de Paris à Lyon est plus petite que (ou au plus égale à) celle de Paris à une troisième localité, plus celle de cet endroit à Lyon. Passer vers un troisième endroit ne peut pas raccourcir le chemin (au mieux la longueur est la même).

En général, on considère deux autres propriétés pour une distance. L’une de ces propriétés est que des points différents se trouvent toujours à une distance strictement positive (en d’autres termes, on interdit le don d’ubiquité ou la possibilité de téléportation). L’autre est celle de symétrie : pour aller de Paris à Lyon on doit faire les mêmes kilomètres que pour aller de Lyon à Paris. Mais il y a des cas, dans la vie réelle, où la symétrie n’est pas vérifiée. Prenons le cas des rues à sens unique : parfois aller d’un endroit à un autre en voiture peut être beaucoup plus court que le voyage de retour…

Quel est l’avantage d’introduire le nom de distance ?

Enfin, on se demande : quel est l’avantage d’introduire le nom de distance ? Essentiellement, c’est de voir sous un même point de vue des problèmes différents. Objets et quantités introduits dans un cas peuvent en effet être transportés à l’autre et cela peut être extrêmement rentable. Donc on espère (et cela arrive souvent) résoudre deux problèmes pour le prix d’un. Simple question de commodité…

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : C comme Continuité http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/11/25/alphabet-c-comme-continuite/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/11/25/alphabet-c-comme-continuite/#respond Mon, 25 Nov 2013 11:00:32 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=107 [...]]]>

Le monde dans lequel nous vivons

photo_pellicule Beaucoup d’idées en mathématiques semblent abstraites, mais elles découlent de la perception concrète que nous avons de la réalité. Par exemple, la notion de continuité découle du fait que le monde qui nous entoure, en général, change de manière relativement progressive.
Pour mieux comprendre ce concept, essayez d’imaginer qu’au contraire, le monde ne soit pas du tout continu. Je me lève le matin, je vais à la salle de bain et je fais couler de l’eau pour me laver. Tout va bien au début : l’eau coule du robinet à la température que j’aime le plus et qui me permet de passer de l’état de torpeur à celui de réveil sans traumatisme particulier. Mais, tout à coup, sans que rien ne prévienne, la température de l’eau devient froide. J’ai à peine le temps de me remettre du choc qu’elle devient bouillante. J’éloigne les mains d’un seul coup, mais le jet (qui avant descendait régulièrement vers le bas), sans aucun avertissement, commence à changer de direction : vers le haut, vers le miroir, vers moi, puis vers le bas et ainsi de suite, sans aucune raison apparente. Après, c’est au tour du carrelage : jusqu’à hier il s’usait au fur et à mesure et soudain il casse. La serviette de la salle de bains disparaît et réapparaît dans le salon. À sa place apparaît une nappe. Et ainsi de suite. Tout semble comme fracturé, comme dans un cadre futuriste, dans lequel l’image serait morcelée. Il s’agit clairement d’une mauvaise journée…
Qu’est-ce donc, la continuité ? C’est le contraire de ce que j’ai décrit. C’est un monde dans lequel deux photos, prises à des instants infiniment proches, sont infiniment ressemblantes. Les transitions et les transformations peuvent se produire, mais pas de manière drastique et immédiate. Les changements peuvent se produire, mais toujours à travers une séquence d’états intermédiaires de l’état de départ à celui d’arrivée. De toute évidence, le concept doit être précisé et c’est à ce stade que l’utilisation du langage mathématique montre toute sa puissance et sa flexibilité.

Ici, je voudrais insister sur deux ingrédients fondamentaux. Le premier concerne la «ressemblance des photos». Pour parler de continuité, on doit introduire un concept de «proximité» qui, en général, dépend du contexte. Selon le problème étudié, deux objets peuvent sembler très similaires ou très différents. Le second aspect à préciser est celui d’«instants voisins». Ici aussi, on doit donner un sens à la notion de «proximité» des instants. La continuité est une propriété qui relie la similitude des photos à la proximité des instants. Tout, cependant, peut être spécifié en utilisant le formalisme mathématique de manière très élégante et générale.

De ce qui précède, on en déduit un fait important : «être continu» n’est pas une propriété absolue ! Selon les «lunettes» avec laquelle nous regardons un phénomène, il peut être continu ou non. Souvent, c’est le problème même qui suggère la manière dont il doit être regardé et souvent cette manière se traduit en une propriété de continuité. Une bonne compréhension des concepts naturels de «proximité» permet souvent une compréhension profonde du problème même.
Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : B comme Brachistochrone. http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/05/23/lalphabet-b-comme-brachistochrone/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/05/23/lalphabet-b-comme-brachistochrone/#respond Thu, 23 May 2013 11:00:48 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=22 [...]]]>

En l’an mil six cent quatre vingt seize, « Moi, Johann Bernoulli, je me tourne vers les plus grands mathématiciens du monde. Il n’y a rien de plus stimulant qu’un problème difficile, dont la solution offre gloire et renommée durable. Pour cette raison, je propose aux mathématiciens les plus brillants de notre temps un problème qui mettra à rude épreuve leurs méthodes et la force de leur intellect… Je déclarerai publiquement digne de louanges celui qui me communiquera la solution du problème suivant : pour un point de départ A et un point d’arrivée B fixés, quelle est la courbe allant de A à B qui rend minimum le temps de parcours d’une masse contrainte à se déplacer le long d’une telle courbe, soumise à la seule force de gravité ? »

bernoulli Ce problème a l’apparence d’un casse-tête purement intellectuel, digne des jeux mathématiques de haut niveau, mais trouver la forme de la brachistochrone (« temps minimal » en grec) est bien plus que cela. Non que sa résolution soit impossible (plusieurs grands scientifiques de l’époque, parmi lesquels Newton, Leibniz, Jakob Bernoulli, le frère rival de Johann, répondirent à l’appel en peu de temps), mais il s’agit d’un prototype si instructif qu’il est considéré comme l’ancêtre d’une descendance sans fin : les problèmes de minimisation en dimension infinie. Un problème « culte ».

Imaginez que vous puissiez créer le profil d’une montagne, modelant la pente en chaque point à votre convenance, comme si c’était de l’argile. Imaginez ensuite qu’on vous demande de réaliser cette pente de telle sorte qu’un corps soumis seulement à la force de gravité, comme par exemple un enfant sur sa luge, mette le temps minimal pour arriver du sommet à la base. Quel profil choisir ? La forme d’un couloir ne va pas (comme Galilée l’avait déjà fait remarquer). La brachistochrone n’a pas un profil avec une pente constante, mais variable : il faut que la descente soit raide au départ, de telle sorte que la luge acquière l’accélération la plus grande. Si on veut déterminer « de combien » la pente doit être plus ou moins raide, le problème devient prenant, si prenant qu’Isaac Newton passa plus d’une nuit sans dormir pour résoudre la question.

brachistochrone La réponse est que la brachistochrone suit la forme d’une cycloïde : le dessin effectué par la valve d’une roue de bicyclette en mouvement (ce qui ne veut pas dire que la bicyclette est plus rapide que la luge !). Savoir que la brachistochrone est un arc de cycloïde ne nous avance pas beaucoup. Même la récompense d’une déclaration publique et les louanges promises par Bernoulli ne sont pas particulièrement irrésistibles. Ce qui est vraiment frappant, en revanche, est l’étincelle initiée par la méthode de résolution du problème (et en particulier celle proposée par Jakob Bernoulli) qui a conduit à la naissance et au développement du calcul des variations grâce aux réflexions de génies du niveau d’Euler ou de Lagrange. L’idée principale, à vrai dire, n’est pas inaccessible ; c’est la technique mathématique et sa mise en oeuvre qui demandent de la patience, de l’expérience et de la compétence.

À chaque chemin reliant le point de départ à celui d’arrivée, correspond un temps de parcours ; concrètement, une sorte de boîte noire, qui prend en entrée une forme de pente et lui associe en sortie une durée de descente. Ainsi, on peut évaluer les variations de la sortie en réponse à de petites modifications de l’entrée, comme l’insertion d’une petite côte ou d’un dos-d’âne imperceptible. La configuration qui réalise le minimum requis est telle qu’une variation quelconque détermine une augmentation de temps correspondante. Et tout ceci, écrit avec les ornements et les sophistications des mathématiques, détermine la relation satisfaite par le profil cherché, appelée relation d’Euler-Lagrange. L’équation ne se présente jamais comme on aimerait qu’elle soit, c’est-à-dire comme une réponse claire ; il faut la décrypter, un peu comme on résout un anagramme, pour arriver à la fin à déterminer la forme de la courbe de temps minimal. Et là aussi, il faut la compétence du spécialiste pour mener à bien le travail et voir apparaître, de manière vaguement mystérieuse, la rotation d’une chambre à air de bicyclette.

L’équation ne se présente jamais comme on aimerait qu’elle soit

Une fois que l’on a classé l’affaire de la brachistochrone, il ne reste plus qu’à utiliser la même stratégie pour affronter et résoudre une quantité d’autres problèmes pour lesquels on cherche une configuration qui minimise une quantité adéquate : en géométrie, lorsque l’on cherche à minimiser les distances, en optique géométrique où, selon Fermat, les rayons lumineux choisissent des parcours de temps minimal ou en aérodynamique, où l’on cherche des formes qui réduisent le plus possible la résistance à l’air des moyens de transport (automobiles, avions…). On est en bonne compagnie… Dans les grandes lignes, le problème de la brachistochrone est un exemple d’avant-garde des ingrédients indispensables pour le secteur Recherche et Développement : un bon problème, quelques cerveaux aiguisés, de la ressource et, plus que tout, du temps à disposition. Car n’importe quelle bonne idée, pour se développer, a besoin de temps, éventuellement minimal, mais de temps.

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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L’alphabet : A comme Approximation http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/lalphabet-a-comme-approximation/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/lalphabet-a-comme-approximation/#respond Sun, 24 Feb 2013 11:00:56 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=18 [...]]]>

On dit que les mathématiques sont la science EXACTE par excellence. Cependant, très souvent en mathématiques, il arrive de travailler avec des quantités qui ne sont pas déterminées de façon exacte et le problème principal est de contrôler l’erreur que l’on commet.

La situation typique est quand on a un problème qu’on ne sait pas résoudre et dont on sait trouver une solution approchée. En d’autres termes, on ne connaît pas la solution, mais on sait en déterminer une version raisonnablement similaire, en donnant (précisément !) un sens à cette similarité.

Approx Un exemple simple pour comprendre ce concept est le calcul d’une surface. Supposons que l’on soit tous d’accord sur le fait que la surface d’un rectangle est donnée par la formule « base fois hauteur ». Comment calculer la surface d’une forme qui ne soit pas rectangulaire ? Sans espoir ! (ou presque …). Une première approche possible est celle de déterminer des approximations de la surface cherchée. Par exemple, la surface du domaine sera sûrement supérieure à la surface d’un rectangle qu’il contient. Et l’aire du rectangle est connue ! Donc on a déjà obtenu une estimation par défaut de la surface cherchée. De combien cette valeur est différente de celle qu’on cherche réellement ? Avec seulement cette donnée on ne peut rien dire. Mais, avec un petit peu plus d’imagination, on peut imaginer emboîter le domaine dans un rectangle (connu) qui le contient. Avec les estimations par le haut et par le bas on peut ainsi contrôler l’erreur d’approximation, qui est plus petite ou égale à la différence des surfaces de deux rectangles (le contenant et contenu).

On a ainsi une valeur approchée de la surface et une estimation de l’erreur commise. Cependant, il se peut que l’erreur commise soit trop grossière et que l’on ait besoin d’une estimation plus précise. Comment faire ? Dans le problème de la surface il y a deux raisonnements possibles. Le premier est d’agrandir le rectangle contenu et rétrécir le contenant. Cette stratégie est efficace, mais on se rend vite compte qu’on va pas assez loin ainsi. La deuxième façon est plus subtile : si on connaît la surface d’un rectangle, on connaît aussi la surface du domaine composé de deux, trois, quatre, une famille de rectangles ! On peut donc améliorer l’approximation par défaut en ajoutant au précédent rectangle contenu dans le domaine un autre rectangle. Et ainsi de suite. Pour l’approximation par le haut il faudra, bien sûr, enlever des rectangles. Ainsi on obtient des domaines approchant de plus en plus le domaine initial, et on détermine une approximation de la surface. L’erreur commise est toujours donnée par la différence des surfaces des domaines approchants, et donc elle s’améliore à chaque pas.

Il existe un très grand nombre de situations pour lesquelles de tels procédés d’approximation sont nécessaires. Il est impossible d’en faire une liste. Une thématique pour laquelle l’approximation est importante est celle de l’analyse numérique qui, grosso modo, s’intéresse à des approximations de modèles appliqués, traduit en équations mathématiques, par le biais de calculateurs. Par exemple, il existe un modèle de propagation des influx nerveux dû à Hodgkin et Huxley (prix Nobel en médecine dans les années 60). Ce modèle a une traduction mathématique précise, dont il n’est pas évident de trouver une solution explicite.

Comment faire ? Utiliser un ordinateur est une très bonne stratégie… Il faut alors approcher le modèle avec une version qui soit comprise par l’ordinateur. Une fois calculée la solution numérique approchée il est essentiel d’en établir l’erreur. C’est comme si on suppose que l’ordinateur ne sait que calculer des surfaces de rectangles et qu’on veut l’utiliser pour déterminer l’approximation de surfaces de domaines quelconques.

En définitive, qu’est ce que ça veut dire approximer ? S’approcher … Mais le concept de voisinage est relatif. Donc, selon le critère de voisinage (autrement dit selon les différentes façons de calculer l’erreur commise), il peut y avoir différentes voies d’approximation. C’est un peu ce qui arrive dans l’art : qui peut affirmer qu’une peinture de Picasso représente moins la réalité qu’une photo ? Voies différentes, techniques différentes, peuvent cadrer des aspects différents de la réalité qui nous entoure.

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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