L’alphabet : H comme Théorème-H

Ne stressez pas pour toujours tout ranger : ce serait inutile. Le désordre (dans l’Univers) ne peut qu’augmenter. C’est la thermodynamique qui le dit, pas moi. Si vous ne croyez pas aux physiciens, sachez que les mathématiciens le confirment avec un théorème péremptoire et inéluctable comme celui de Pythagore : le Théorème-H. Pas de souci, rien à voir avec la bombe, ici, nous sommes tous des pacifistes.

 

theoreme_HLe mérite (ou la faute) doit être attribué à Ludwig Boltzmann. À l’époque, l’autrichien était persuadé que le mouvement d’une myriade de particules, qui bougent et se heurtent dans une boîte, était pratiquement identique à celui des particules d’un gaz. Pas seulement. Si les particules sont indiscernables, suivre le mouvement spécifique de chacune de ces boules de billard microscopiques n’est pas indispensable. Il suffit de garder un œil sur la répartition totale des particules en mouvement avec chacune sa vitesse.

Papier et stylo à la main, on écrit alors un certain nombre de rapports qui décrivent comment varie au fil du temps la quantité totale de particules qui se déplacent avec une vitesse donnée vers le nord-est, de celles qui vont avec une autre vitesse vers sud-ouest, et d’autres encore.

Quantité, relations et variations. La cuisine est faite : vous vous retrouvez dans les mathématiques des équations différentielles. De Boltzmann, en l’occurrence. Les configurations macroscopiques possibles sont encore trop nombreuses et prévoir l’évolution à partir d’une situation donnée reste prohibitif.

Le point de vue statistique suggère l’introduction de quantités globales associées à chacune de ces configurations. Dans cette logique, apparaît comme par magie la fonctionnelle H, chargée d’associer à chaque arrangement possible un numéro spécifique. Au passage du temps, en changeant la configuration, la valeur H change également. Eh bien, le Théorème H indique que la valeur de la fonctionnelle ne peut que diminuer. Juste ça. Pas frappant à première vue. Mais si nous interprétons H comme l’opposé de l’entropie, nous obtenons une preuve rigoureuse de la croissance de l’entropie au passage du temps. Puissance de la mécanique statistique.

Si vous n’êtes pas tellement convaincu de ce lien direct entre H et l’entropie, ou si vous n’avez pas vraiment compris en quoi consiste finalement cette entropie, pas grave. Les conséquences du Théorème-H se voient quand même : la décroissance indique la présence d’une direction dans le passage du temps. La bien connue flèche du temps. Toute encodée dans le signe d’une simple dérivée première. Pas mal.

Une voix discordante se charge de rappeler que les théorèmes ne sont pas des vérités absolues. Même le théorème de Pythagore, avec tout le respect dû à Euclide, est faux en géométrie sphérique. Tous les résultats mathématiques ont leur domaine de validité défini par les fondements de toute la construction. Le Théorème-H n’échappe pas non plus à cette règle. Dans le cas d’équations de Boltzmann, il y a un choix spécifique au type d’interaction entre les microscopiques boules de billard. On l’appelle l’hypothèse du chaos moléculaire et cela consiste à supposer l’absence de corrélation entre les vitesses des particules qui entrent en collision.

Comme tous les énoncés qualitatifs, le Théorème-H a aussi ses répercussions en dehors du domaine de la mécanique statistique et la dynamique des gaz. La plus jeune soeur de la fonctionnelle H, née sous l’égide de Claude Shannon, est à la base de la théorie de l’information. La fonctionnelle H de Shannon, version discrète de la H de Boltzmann, mesure, à sa manière, l’incertitude et la compressibilité d’une séquence de données et, en tant que telle, est considérée comme une plausible définition d’entropie de l’information.

Il reste la curiosité littérale pour le choix du symbole H. Il ne s’agit pas d’une aspiration entropique, mais de la majuscule de la lettre grecque “eta”. À la rigueur, donc, on devrait parler de Théorème Eta. Alors ces lignes trouveraient leur habitat naturel dans la version grecque de MADDMaths (s’il y en avait une).

Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.

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