Laurent Desvillettes est professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan depuis 1998, directeur adjoint de la Fondation Mathématique Jacques Hadamard depuis 2012, et ancien membre de l’Institut Universitaire de France (2007-2012). Ses intérêts de recherche concernent principalement l’analyse mathématique et numérique des équations aux dérivées partielles de type cinétique appliquées à la biologie, à la physique statistique et à la dynamique des fluides.
- Le principal trait de mon caractère mathématique :
Le goût des arguments élémentaires dans les démonstrations. - La qualité que je préfère chez les mathématiciens :
L’originalité. - Ma lecture mathématique préférée :
Le livre de W. Rudin: « Analyse réelle et complexe »: on y découvre des nouveaux trésors à chaque lecture. - Mon cauchemar comme mathématicien :
Démontrer un théorème dont les hypothèses se révèlent n’être jamais vérifiées par la suite. - La faiblesse principale des mathématiques :
La difficulté à communiquer les résultats mathématiques en termes intelligibles pour tous. - L’exercice de mathématiques que je préfère :
Au niveau L3/M1, celui qui consiste à montrer la formule de réciprocité quadratique (un résultat concernant les nombres entiers) à partir de l’analyse des fonctions de la variable complexe (une discipline bien éloignée a priori de l’étude des nombres entiers); – Au niveau Terminale/L1, le calcul de la somme des termes d’une suite géométrique: on dévoile comment une somme infinie peut être finie, ce qui montre les limites de l’intuition, et résout des paradoxes datant de l’antiquité grecque (Achille et la tortue, etc.). - Le théorème que je préfère :
Au niveau L3/M1, le théorème de Brouwer (les applications continues de la boule unité fermée de R^N dans elle-même ont un point fixe) et la preuve de ce théorème due a Milnor, cette preuve utilisant des propriétés de différentiabilité alors que le résultat concerne des fonctions continues, est proprement incroyable.Au niveau L1/L2, les résultats d’algèbre qui utilisent des démonstrations utilisant de l’analyse de manière cachée, par exemple le résultat affirmant que deux matrices à coefficients réels qui sont semblables sur le corps des nombres complexes le sont également sur le corps des nombres réels. - L’application des mathématiques que je préfère :
Je suis fasciné par les applications à des domaines a priori très éloignés des mathématiques. L’un des exemples les plus emblématiques est l’instabilité de Turing: il s’agit d’une idée très simple (que l’on peut présenter au niveau L2/L3) et qui permet de comprendre l’émergence de certaines formes (par exemple des structures qui se répètent) dans la nature. - Les mathématiciens qui m’ont orienté :
Ils sont nombreux : mon professeur de Terminale, avec qui j’ai découvert ce qu’était une démonstration, mon professeur de math-sup, qui a su me faire comprendre que le formalisme n’était pas une fin en soi, mes encadrants lorsque je préparais ma thèse, qui m’ont orienté vers un domaine (l’analyse appliquée) dans lequel je suis heureux de travailler. - Le type de calcul que je préfère :
Ceux dont le résultat peut être vérifié sans qu’on ait besoin de vérifier chaque étape. - Le type de calcul que je trouve le plus ennuyeux :
Ceux qui ont été effectués par des étudiants et qu’il faut relire pas à pas - Comment j’aimerais qu’on se souvienne de moi comme mathématicien :
Je souhaiterais qu’on se souvienne de moi comme d’un bon professionnel de la recherche, mais également comme d’un enseignant dévoué, en particulier en ce qui concerne l’encadrement doctoral. - Dans quelle mesure le formalisme compte-t-il ?
Dans ma sous-discipline (l’analyse appliquée), il n’est pas au centre de l’activité de recherche, mais il ne doit pas être totalement abandonné pour autant. - À quel point faut-il être doué pour réussir en mathématique ? Pourquoi faut-il avoir moins de trente ans ?
Chacun peut trouver du plaisir à la compréhension d’une question impliquant les mathématiques, et cela à tout âge, et indépendamment d’une activité professionnelle.
De nombreux métiers demandent un certain niveau en mathématiques (ingénieur, professeur dans des matières scientifiques, etc.). C’est le plus souvent en terminale qu’il faut décider de se diriger vers ces métiers, même s’il existe des voies d’accès plus tardives de type « formation professionnelle » (dispensées par le CNAM par exemple). Il faut bien sûr avoir du goût pour les sciences pour choisir cette voie professionnelle, mais pas nécessairement un don particulier : la motivation et le travail sont les ingrédients principaux pour réussir une formation d’ingénieur.
Pour devenir mathématicien professionnel, il est nécessaire d’effectuer une thèse qui amène au niveau bac + 8, il faut donc avoir un goût prononcé pour les études. Ce n’est qu’au cours de la thèse que l’aptitude à mener des recherches fructueuses se mesure, même si bien sûr des résultats scolaires/universitaires brillants sont des indications positives. Il est rare de s’engager dans une thèse en mathématiques au delà de trente ans (l’âge typique pour cela est plutôt 22-25 ans).
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