Le monde dans lequel nous vivons
Beaucoup d’idées en mathématiques semblent abstraites, mais elles découlent de la perception concrète que nous avons de la réalité. Par exemple, la notion de continuité découle du fait que le monde qui nous entoure, en général, change de manière relativement progressive.
Pour mieux comprendre ce concept, essayez d’imaginer qu’au contraire, le monde ne soit pas du tout continu. Je me lève le matin, je vais à la salle de bain et je fais couler de l’eau pour me laver. Tout va bien au début : l’eau coule du robinet à la température que j’aime le plus et qui me permet de passer de l’état de torpeur à celui de réveil sans traumatisme particulier. Mais, tout à coup, sans que rien ne prévienne, la température de l’eau devient froide. J’ai à peine le temps de me remettre du choc qu’elle devient bouillante. J’éloigne les mains d’un seul coup, mais le jet (qui avant descendait régulièrement vers le bas), sans aucun avertissement, commence à changer de direction : vers le haut, vers le miroir, vers moi, puis vers le bas et ainsi de suite, sans aucune raison apparente. Après, c’est au tour du carrelage : jusqu’à hier il s’usait au fur et à mesure et soudain il casse. La serviette de la salle de bains disparaît et réapparaît dans le salon. À sa place apparaît une nappe. Et ainsi de suite. Tout semble comme fracturé, comme dans un cadre futuriste, dans lequel l’image serait morcelée. Il s’agit clairement d’une mauvaise journée…
Qu’est-ce donc, la continuité ? C’est le contraire de ce que j’ai décrit. C’est un monde dans lequel deux photos, prises à des instants infiniment proches, sont infiniment ressemblantes. Les transitions et les transformations peuvent se produire, mais pas de manière drastique et immédiate. Les changements peuvent se produire, mais toujours à travers une séquence d’états intermédiaires de l’état de départ à celui d’arrivée. De toute évidence, le concept doit être précisé et c’est à ce stade que l’utilisation du langage mathématique montre toute sa puissance et sa flexibilité.
Ici, je voudrais insister sur deux ingrédients fondamentaux. Le premier concerne la «ressemblance des photos». Pour parler de continuité, on doit introduire un concept de «proximité» qui, en général, dépend du contexte. Selon le problème étudié, deux objets peuvent sembler très similaires ou très différents. Le second aspect à préciser est celui d’«instants voisins». Ici aussi, on doit donner un sens à la notion de «proximité» des instants. La continuité est une propriété qui relie la similitude des photos à la proximité des instants. Tout, cependant, peut être spécifié en utilisant le formalisme mathématique de manière très élégante et générale.
De ce qui précède, on en déduit un fait important : «être continu» n’est pas une propriété absolue ! Selon les «lunettes» avec laquelle nous regardons un phénomène, il peut être continu ou non. Souvent, c’est le problème même qui suggère la manière dont il doit être regardé et souvent cette manière se traduit en une propriété de continuité. Une bonne compréhension des concepts naturels de «proximité» permet souvent une compréhension profonde du problème même.
Traduit à partir de la version originale en italien de Corrado Mascia avec l’autorisation de l’auteur.
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