Profs de Maths et chercheurs – MADD Maths http://maddmaths.smai.emath.fr Mathématiques Appliquées Divulguées et Didactiques Fri, 15 Jul 2022 14:35:16 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.4.2 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/wp-content/uploads/2016/04/cropped-logo3-32x32.jpg Profs de Maths et chercheurs – MADD Maths http://maddmaths.smai.emath.fr 32 32 Vie de Mathématicien : Julien Barré http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/16/julien-barre/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/16/julien-barre/#respond Mon, 16 Jan 2017 16:53:54 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=1285 [...]]]> SAMSUNG DIGITAL CAMERA

Que font-les mathématiciens ? Julien Barré s’exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée. Il est Maître de conférence au laboratoire MAPMO, à l’Université d’Orléans, où il effectue sa recherche dans le domaine de la physique statistique, notamment sur les systèmes de particules en interaction. Ses intérêts vont des mathématiques, notamment équations aux dérivées partielles et probabilités, à la modélisation expérimentale.

  • D’où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d’étudier les mathématiques ?
    Il y a beaucoup de raisons : probablement parce que j’y arrivais bien, parce que c’était valorisé à l’école et à la maison (« fais des maths, après tu pourras faire ce que tu veux… »), parce que c’était ludique, et aussi parce que j’ai eu quelques vrais moments de plaisirs mathématiques pendant ma scolarité (des démonstrations de géométrie, l’approximation de pi, la démonstration que racine de 2) est irrationnel…). Mais en réalité, je ne suis pas sûr d’avoir une passion pour les mathématiques, ou en tous cas elle n’est pas exclusive, puisque je me suis pour un temps détourné des maths pour faire de la physique.
  • Parlez-nous de votre parcours scolaire/universitaire…
    J’ai eu un parcours assez classique pour un enseignant-chercheur ! Prépa, Ecole Normale Supérieure de Lyon, thèse, deux ans de post-doc aux Etats-Unis, et j’ai été recruté comme maître de conférences à Nice… Un peu moins classique : j’ai étudié les maths et la physique en parallèle, ce qui m’a beaucoup plu et détermine aujourd’hui ma recherche. 
  • Pourquoi avez-vous choisi une carrière dans la recherche ?
    Au départ, c’est à dire au lycée et en prépa, l’idée (et même l’idéal) de la recherche me plaisait, c’est pour cela que j’ai choisi une Ecole Normale Supérieure. Ensuite, à partir de la licence, faire de la recherche était en quelque sorte la pente naturelle de ma formation, je l’ai suivie avec plaisir.
  • Quel est votre domaine de recherche ?
    La physique statistique : il s’agit de chercher à comprendre comment les lois fondamentales de la physique, qui décrivent le monde de l’infiniment petit (les atomes par exemple), se manifestent à notre échelle, beaucoup, beaucoup plus grande. Il y a là des mathématiques passionnantes, des probabilités notamment. Ce qui me motive le plus, c’est de voir ces belles mathématiques décrire des phénomènes physiques réels. Je dirais aussi que c’est un domaine où une connaissance fine des mathématiques à l’oeuvre peut aider à une meilleure compréhension physique, ce qui bien sûr est fait pour me plaire.
  • Quel est le résultat qui vous a donné le plus de satisfaction ?
    Je crois que c’est en stage de M2 (DEA à l’époque…). Une nuit, j’ai compris comment répondre à une question que m’avait posée mon responsable de stage : il fallait comprendre pourquoi les particules (fictives) de nos simulations sur ordinateur ne s’organisaient pas comme attendu. C’était une toute petite question bien sûr, à peu près sans importance, mais il y avait la joie et l’excitation de «la découverte»…
  • Selon vous, quelles sont les raisons qui font des mathématiques la discipline scolaire la plus difficile et la moins aimée ?
    Je ne suis pas forcément d’accord avec l’idée que c’est la discipline la plus difficile ! Une des raisons qui la rendent mal aimée, c’est peut-être son utilisation comme outil de sélection. Mais il faudrait plutôt poser ces questions à quelqu’un qui n’aimait pas les maths à l’école…
  • Quelle est la réaction la plus inattendue que vous ayez eue quand vous expliquez que vous êtes mathématicien ?
    En général, la réaction c’est plutôt : « Ah moi j’étais nul en maths » ! Ou « Ah je détestais ça à l’école… » Mais récemment, on m’a dit : « Ah, les maths ! Moi je n’étais pas très bon, mais j’adorais ça ! »
  • En dehors des maths, comment passez-vous votre temps libre ? Quels sont vos passe-temps favoris ?
    Les jeunes enfants laissent assez peu de temps libre, mais je fais encore pas mal de sport (foot et course à pied).
]]>
http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2017/01/16/julien-barre/feed/ 0
Vie de Mathématicienne : Margot Auvray http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/07/31/vie-de-mathematicienne-margot-auvray/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/07/31/vie-de-mathematicienne-margot-auvray/#respond Fri, 31 Jul 2015 11:00:39 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=344 [...]]]> Pour ce numéro, c’est à une mathématicienne en herbe que nous avons proposé l’interview. Il s’agit de Margot Auvray, lycéenne au Lycée Camille Claudel à Blois, stagiaire au Centre Galois 2014.

margot

  • D’où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d’étudier les mathématiques ?
    Je ne saurais pas dire exactement d’où vient ma passion pour les mathématiques, mais à mes yeux, c’est un domaine où la logique prime. Au fur et mesure des années, j’ai découvert que j’aimais manier les chiffres.
  • Avez-vous envie d’étudier les mathématiques à l’université ?
    Oui, j’ai envie d’étudier les mathématiques à l’université, les mathématiques sont un domaine qui me plaît, et dans lequel je me sens à l’aise. J’ai pour but de devenir professeur de mathématiques.
  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et pas toujours aimé parmi les autres sujets scolaires ?Ce qui fait que les mathématiques sont un sujet difficile et pas toujours aimé parmi les autres matières, c’est que ce n’est pas obligatoirement en lisant son cours que l’on apprend, même si cela y contribue. Selon moi, il faut avant tout être logique dans son raisonnement, connaître ses bases, et s’intéresser au sujet, ce qui n’est pas obligatoirement le cas dans les autres matières.
  • Pouvez-vous décrire votre semaine au Centre Galois ?
    Durant cette semaine au Centre Galois, nous avons eu des cours de mathématiques mais aussi de physique. Les sujets étudiés étaient totalement différents de ceux du programme scolaire : nous avons abordé l’astronomie (avec la visite de la station de Nançay) mais également la place des mathématiques dans la magie, etc. Cette semaine m’a aussi permis de rencontrer des personnes extraordinaires.
  • Les activités suivies au Centre Galois ont-elles influencé vos choix dans vos orientations ?
    Oui, les activités du Centre Galois ont influencé mon orientation, car j’y ai découvert une façon d’enseigner différente de celle pratiquée dans les établissements scolaires (collèges, lycées).
  • Pourriez-vous donner trois points forts du Centre Galois ?
    En tout premier, l’un des avantages du Centre Galois est sa façon de nous apprendre les mathématiques dans une très bonne ambiance ; nous y rencontrons également des personnes magnifiques, que ce soient des enseignants ou des élèves ; et c’est aussi une expérience unique que je conseille à n’importe quel élève pouvant se présenter.
]]>
http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2015/07/31/vie-de-mathematicienne-margot-auvray/feed/ 0
Vie de Mathématicien : François Sauvageot http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/06/24/vie-de-mathematicien-francois-sauvageot/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/06/24/vie-de-mathematicien-francois-sauvageot/#respond Tue, 24 Jun 2014 11:00:30 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=275 [...]]]> francoisQue font-les mathématiciens ? François Sauvageot, professeur en classes préparatoires aux grandes écoles, s’exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée.

 

  • D’où vient votre passion pour les mathématiques ? Et pourquoi avez-vous décidé d’étudier les mathématiques ?
    Je me suis passionné très tôt pour les maths. Avant même de savoir ce que c’était, en fait. Le monde mathématique est un monde de paix, un monde stable sans turbulences et sans arbitraire. En ce sens il est très sécurisant. Par ailleurs les maths sont un espace de liberté et de créativité que l’on peut parcourir bien avant de savoir lire et écrire. Je crois que mon amour pour les maths s’est développé avec les histoires que je me racontais tout petit.
  • Comment êtes-vous devenu enseignant en classes préparatoires ?
    C’est une longue histoire ! Pour faire court, après avoir préparé des étudiants au CAPES et à l’agrégation, puis être intervenu en IUFM (les anciens ESPE) pour former des profs des écoles, je me suis passionné pour la communication avec le grand public. J’ai beaucoup œuvré pour la fête de la science. Et puis quand ma fille aînée a atteint l’âge d’entrer au collège, nous avons décidé, ma femme et moi, de quitter la région parisienne, ses transports, sa pollution, sa violence. Nous étions tous les deux maîtres de conférences, elle en physico-chimie de l’atmosphère et moi en maths. Quitter la région parisienne a eu un prix assez fort !
    Après quelques espoirs liés à des échanges de postes, tous avortés, des mutations, qui n’ont jamais abouti, nous avons décidé de tenter l’aventure : on m’a proposé un CDD au CNRS pour m’occuper de communication en maths. Je devais travailler pour l’ancêtre de l’INSMI et pour un institut de communication du CNRS, l’ISCC. Ma femme, quant à elle, a dû prendre un congé sans solde et espérait faire aboutir une mutation ou trouver un job dans la qualité de l’air. Rien de tout cela n’a abouti et mon CDD ne durait que deux ans. Nous avions alors le choix entre rentrer bredouilles à Paris et récupérer nos postes de maîtres de conférences, ou trouver une autre solution. Ma femme a alors pris sa retraite (on pouvait encore, à l’époque, avec trois enfants et quinze années de service) et j’ai demandé ma réintégration comme prof agrégé.
    Pour tout dire, j’avais plutôt envisagé de demander à devenir prof des écoles. On m’a alors expliqué que j’étais surqualifié pour le job. Incroyable mais vrai. On avait même des doutes quant à l’idée de me nommer en collège. En même temps le collège est terriblement dur et je n’avais pas une grande envie d’y aller. En fait, la réalité était qu’il était plus facile de me nommer en classe prépa qu’ailleurs car la décision appartenait alors à seulement quelques personnes (à savoir l’inspection générale de maths). J’ai donc postulé en classe prépa et j’ai demandé une classe où les maths ne sont pas la matière de sélection (enfin, pas trop), à savoir BCPST, biologie-chimie-physique-sciences de la terre.
  • La vulgarisation des mathématiques est une partie importante de votre travail. Vous vous êtes engagé dans plusieurs actions pour le grand public, on vous a notamment vu récemment dans le film « Comment j’ai détesté les maths ». Qu’est qui vous plaît dans ce type d’activité ?
    Le contact avec le grand public m’est devenu nécessaire. Comme me l’a appris ma prof de troisième, Michèle Mathiaud, transmettre est un art difficile. Et je le trouve passionnant parce que rien n’est acquis. Mes étudiant(e)s n’ont pas vraiment le choix : le programme me dicte ce que je dois leur transmettre et après il faut bien qu’ils s’y mettent. Bien sûr il m’arrive souvent de digresser, mais fondamentalement c’est un public captif.
    Rien de tel avec le grand public ! Quand je parle de démocratie, de vote, d’impôts, de camping, d’inondations etc. avec une audience variée, je ne sais jamais à quoi m’attendre : de la sympathie ou au contraire une attitude agressive. Et pourquoi ? Comment réconcilier les gens avec les maths ? Comment faire avec leurs blessures mathématiques ?
    Et puis cela m’a amené à faire de nombreuses rencontres, au détour d’une conférence, et même parfois dans la rue. Que ce soit des professionnel(le)s ou non, j’ai appris énormément au contact de gens qui sont venus me voir. Et j’espère bien que ça va continuer ainsi encore longtemps !
    Au fait, je n’aime pas trop le mot « vulgarisation » ! Ce n’est pas vulgaire du tout ! Je préfère parler de « science populaire », comme on pouvait le dire au XIXème siècle.
  • Quels sont vos projets à venir dans ce domaine ?
    Je collabore au scénario d’un film. Je n’ai pas encore eu de proposition pour intervenir comme acteur dans un nouveau film, mais je crois que ça me plairait bien !
    Je suis en train de réfléchir à deux livres. L’un avec des réflexions sur les maths, l’autre pour partager des maths avec le plus grand nombre.
    Et sinon je continue à faire tourner mon spectacle d’improvisations mathématiques et à donner des conférences. Toute mon actu est sur mon site perso : mathom.fr !
  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et pas toujours aimé parmi les autres sujets scolaires ?
    Le plus difficile, ça dépend pour qui ! Je crois que le fait de sélectionner avec les maths a fait beaucoup de tort à la discipline. C’est d’ailleurs incroyable qu’après l’échec de la réforme des maths modernes, on continue dans cette voie alors même que les profs de maths sont très souvent hostiles à la sélection par les maths. Et pourtant, on n’en fait pas tant que ça. Il n’y a qu’à comparer la série S aux autres. À quand une vraie filière scientifique avec des horaires de sciences, et donc de maths, conséquents ?!
    À l’école primaire, les maths ne sont pas si détestées. Les opinions sont plus variées. C’est au collège que ça devient difficile. En fait le collège est un moment difficile ! Les programmes sont souvent des freins pour faire des activités plus adaptées au public. Il faudrait pouvoir s’en écarter, voire se dispenser de programme ! Les plus fragiles en maths ont des soucis qui sont souvent bien antérieurs ou ont des difficultés liées à des problèmes extérieurs à la classe, tandis que d’autres ne sont pas assez nourris et s’ennuient après la vingtième répétition du théorème de Pythagore. D’ailleurs faites l’exercice, combien de triangles rectangles avez-vous rencontré en classe et dont les longueurs des côtés ne soient pas multiples de (3, 4, 5) ?
    Et pourtant les profs de maths font des efforts, et essayent de contenter à la fois les réformes, les parents, les enfants… mais c’est dur, très dur ! Les IREM rendent beaucoup de service en ce regard. Bref, à mon sens, le vrai problème, c’est la note et la sélection.
  • Quel type d’activité pourrait-on proposer pour rendre les mathématiques plus populaires ?
    Vaste question ! Je crois qu’il faut rappeler que c’est une activité humaine ! Il faut donc faire venir des mathématicien(ne)s dans les classes, organiser des sorties, utiliser l’actu pour bâtir des séquences pédagogiques et ne jamais s’interdire de réagir mathématiquement quand c’est possible. En particulier les maths peuvent interagir avec les autres disciplines : histoire, philosophie, éducation civique etc.
    Plus avant, j’aimerais que l’on valorise plus la recherche et le sens. Pour cela il me semblerait utile de faire appel à qu’on appelle les narrations de recherche. Tout comme en EPS on a appris à ne pas se focaliser sur la performance, il faut apprendre à ne pas restreindre les maths aux résultats. Mais pour cela il faut que les contrats didactiques soient énoncés clairement. Il faudrait aussi que la France comprenne que pour faire évoluer massivement son système éducatif, il faut investir dans la formation continue des profs. Or, celle-ci est essentiellement inexistante. Un terrible paradoxe !
    Quant à la popularité auprès du grand public, je ne sais pas. J’essaye des choses, d’autres en essayent d’autres… Je crois de mon côté qu’il faut aller à la rencontre du public en tous les sens du terme : aller le voir, parler sa langue et ne pas croire qu’on en sait plus que lui. La rencontre est avant tout un échange ! Je crois aussi qu’il ne faut pas donner une image froide et inaccessible des maths, comme le font certaines expos. Là encore, la clef est de montrer que c’est une activité humaine et de montrer pourquoi on peut la partager, sans arrogance.

Découvrez l’intégralité de l’interview de François Sauvageot à cette page

]]>
http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2014/06/24/vie-de-mathematicien-francois-sauvageot/feed/ 0
Vie de mathématicien : Erwan Le Pennec http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/vie-de-mathematicien-erwan-le-pennec/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/vie-de-mathematicien-erwan-le-pennec/#respond Sun, 24 Feb 2013 21:25:32 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=1003 [...]]]> Que font-les mathématiciens ? Erwan Le Pennec s’exprime sur le sujet à travers une interview que nous lui avons proposée. Il est chargé de recherche d’INRIA et co-fondateur de l’entreprise Let it Wave pour le traitement des signaux et des images.

 

Erwan

  • D’où vient votre passion pour les mathématiques? Pourquoi avez-vous décidé d’étudier les mathématiques ? Je ne sais pas d’où vient ma passion pour les maths. J’ai l’impression d’avoir été animé par la curiosité depuis que je suis petit et que les maths me permettent d’assouvir cette curiosité dans un cadre professionnel. Je pense qu’elle aurait pu s’exprimer dans d’autres disciplines si le hasard de la vie ne m’avait fait choisir les maths appliquées.
  • Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours scolaire/universitaire ? Après un bac scientifique, j’ai intégré une classe préparatoire puis la filière maths de l’ENS Cachan. J’y ai suivi une licence et une maîtrise de maths, un DEA de maths appliquées au traitement du signal et à l’apprentissage et enfin j’y ai préparé l’agrégation de maths. J’ai ensuite fait une thèse autour de la théorie de l’approximation appliquée à la compression d’image.
  • Et après l’université ? Est-ce que vous vouliez continuer votre carrière dans l’université ? À la fin de ma thèse, mon directeur de thèse a eu l’idée un peu folle de créer une entreprise et m’a proposé d’y participer. J’y ai travaillé à plein temps pendant deux ans et j’y ai pris un très grand plaisir. Ma seule frustration dans cette expérience était de ne pas avoir de temps pour aller au fond des choses et j’ai donc décidé de retourner vers l’université. J’ai réussi à obtenir un poste de maître de conférences en statistique, une discipline à laquelle je m’étais confronté pendant ma thèse. En parallèle à mon activité universitaire, j’ai continué à suivre de près l’activité de la petite entreprise que nous avions créée, en tant que consultant. Depuis 3 ans, j’ai intégré INRIA en tant que chercheur et j’y travaille sur des problèmes à la frontière entre les statistiques et le traitement du signal.
  • Selon vous quelles sont les raisons qui font des mathématiques le sujet le plus difficile et « détesté » parmi les autres sujets scolaires? Je pense que la raison principale est que les maths sont utilisées, en France, comme l’un des outils majeurs de sélection. L’échec ou la réussite en maths semble conditionner le futur de tous les élèves. Ce qui en plus d’être stupide (ce n’est pas parce que l’on réussit scolairement en maths qu’on est intelligent et réciproquement) est contre-productif sur la perception des maths : on les perçoit comme un objet de « torture » plus que comme une source de « plaisir », ce qu’elles peuvent être.
  • Comment êtes-vous entré dans le monde de l’industrie ? Je suis entré dans le monde de l’industrie un peu par hasard à travers ce projet de création d’une petite entreprise avec mon directeur de thèse et deux autres de ses anciens thésards. J’y ai découvert un monde que je ne connaissais pas : ma famille est une famille d’enseignants et je n’avais pas eu l’occasion de travailler dans un milieu industriel au cours de mes études. J’y ai beaucoup appris et, même si je n’y suis plus directement, je pense comprendre beaucoup mieux qu’avant les problématiques industrielles.
  • Pourquoi avez-vous choisi ce secteur ? Le secteur d’activité de Let It Wave, le nom que nous avions donné à cette entreprise, était celui que j’avais étudié en thèse : le traitement du signal et plus particulièrement des images. Après un détour par une application de compression de photos d’identité, nous avons travaillé sur des problèmes liés à la télévision numérique : désentrelacement, Frame Rate Conversion et qualité image. Nous y avons développé des algorithmes qui ont pu être implémentés sur des puces, finalement vendus à des fabricants de téléviseurs.
  • Que faites-vous actuellement (plus en détail) ? Je suis actuellement chargé de recherche chez INRIA. Mon activité de recherche s’articule actuellement autour de trois thèmes : un problème d’inversion tomographique lié au fonctionnement des scanners, un problème de segmentation d’image hyperspectrale dans le cadre d’analyse des matériaux anciens et enfin un problème de détection d’évènements rares sur des textures complexes.
  • Quelle est l’importance des mathématiques dans l’industrie dans laquelle vous travaillez ? Mon métier est mathématicien, l’importance des mathématiques y est donc grande. Mon travail est la plupart du temps lié à des applications. Grâce à l’analyse mathématique de ces problèmes, je peux proposer des algorithmes dont je comprends bien le fonctionnement et donc que je peux adapter finement au cadre considéré.
  • Pouvez-vous décrire un projet dans lequel les mathématiques ont joué un rôle important? Dans tous les projets sur lesquels j’ai travaillé, les maths ont joué un rôle central que ce soit dans l’algorithme de compression de photos d’identité, les algorithmes de traitement vidéo en temps réels ou dans mes travaux plus académiques. Tous reposent sur une compréhension mathématique d’une bonne modélisation du problème.
  • Est-ce que vous êtes satisfait de « l’application » de votre connaissance des mathématiques ? Je ne pense pas pouvoir l’être beaucoup plus…
  • Changeriez-vous quelque chose dans votre vie comme mathématicien? Quels sont vos projets pour l’avenir? J’ai la chance d’avoir un métier passionnant et de pouvoir le pratiquer dans de bonnes conditions. Pour l’avenir, je souhaite continuer sur cette voie.
  • Que conseilleriez-vous  aux mathématiciens qui veulent entrer dans le domaine  industriel ? Il est toujours difficile de donner des conseils généraux. Je dirais juste que si un mathématicien en a envie je suis convaincu qu’il peut apporter beaucoup au milieu industriel et en retirer beaucoup également. Cela demande « juste » une forte envie, un bagage mathématique solide et beaucoup de travail…

 

Retrouvez Erwan Le Pennec dans la vidéo du Prix Fondation EADS 2007 (à la min 1’52)

]]>
http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/vie-de-mathematicien-erwan-le-pennec/feed/ 0
Faut-il être un génie pour faire des maths ? http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/faut-il-etre-un-genie-pour-faire-des-maths/ http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/faut-il-etre-un-genie-pour-faire-des-maths/#respond Sun, 24 Feb 2013 11:00:32 +0000 http://maddmaths.smai.math.cnrs.fr/?p=151 [...]]]> Directement du blog de Terence Tao, un des meilleurs mathématiciens de nos jours et Médaille Fields en 2006, une opinion sur un problème qui souvent décourage les gens de faire des mathématiques.

 

TerenceTao

La réponse est non, absolument pas. Apporter des contributions belles et utiles aux mathématiques nécessite de beaucoup travailler, de se spécialiser dans un domaine, d’apprendre des choses dans d’autres domaines, de poser des questions, de parler aux autres mathématiciens, et de réfléchir aux grandes lignes du paysage mathématique considéré. Et oui bien sûr, une intelligence raisonnable, de la patience, de la matûrité sont aussi nécessaires. Mais en aucun cas on aurait besoin de posséder une sorte de gène magique du génie mathématique ou d’autres super-pouvoirs, qui inspireraient spontanément, et à partir de rien, des idées profondes ou des solutions totalement inattendues à des problèmes.

L’image du génie solitaire est complètement à côté de la plaque

L’image d’Epinal du génie solitaire (et sans doute complètement fou) – qui ignore tout de la littérature et des autres connaissances conventionnelles et qui parvient par je ne sais quelle inspiration inexplicable (gonflée sans doute par un brin de souffrance exaltée) à trouver une solution à couper le souffle à un problème qui jusque là
déroutait tous les experts – est charmante et romantique, mais elle est complètement à côté de la plaque, du moins dans le monde des mathématiques modernes. Certes, il arrive parfois qu’il y ait des résultats et des idées spectaculaires, profondes et remarquables, bien sûr, mais ils sont arrachés aux années, aux décennies ou même aux
siècles de travail régulier et d’avancées de beaucoup de grands mathématiciens : passer d’une étape de compréhension à la suivante peut être hautement non-trivial, et parfois même plutôt inattendu, mais quoi qu’il en soit, cela repose plus sur la fondation de travaux antérieurs que sur du totalement neuf (par exemple c’est le cas pour le travail de Wiles sur le dernier théorème de Fermat , ou celui de Perelman sur
la conjecture de Poincaré ).
AlbertEEn fait, je trouve que la réalité de la recherche mathématique aujourd’hui – dans laquelle les avancées se font naturellement comme l’aboutissement de dures années de travail, dirigées par l’intuition, la littérature, et un poil de chance – est bien plus satisfaisante que l’idée romantique que j’en avais autrefois étant étudiant en mathématiques, progressant essentiellement grâce aux inspirations mystiques de quelques rares lignées de « génies ». Ce « culte du génie », de fait, pose un certain nombre de problèmes, puisque personne n’est capable de produire ces (très rares) inspirations sur quelque sujet que ce soit avec un taux d’erreur correct. (Si quelqu’un prétend le
contraire, je vous recommanderais le plus grand scepticisme.) Essayer de se comporter de cette impossible manière peut rendre certaines personnes excessivement obsédées par les « grands problèmes » ou les « grandes théories », elle peut faire perdre à d’autres le sain scepticisme sur leur propre travail ou sur leurs outils, et elle peut
décourager d’autres encore de travailler dans les mathématiques. De plus, attribuer le succès au seul talent inné (qui est hors contrôle) plus que sur l’effort, l’organisation, la formation (qui sont sous contrôle) peut aboutir à d’autres problèmes encore.

C’est une erreur courante de confondre qualité absolue et qualité comparée

Bien sûr, même si on rejette la notion de génie, on ne peut pas nier le fait qu’à chaque instant, certains mathématiciens sont plus rapides, plus expérimentés, plus érudits, plus efficaces, plus soigneux, ou plus créatifs que d’autres. Pourtant, cela n’implique pas que seuls devraient faire des mathématiques les mathématiciens les
meilleurs ; c’est une erreur courante de confondre qualité absolue et qualité comparée. Le nombre de domaines intéressants de recherche mathématique et de problèmes à résoudre est vaste – bien plus vaste que ce qui pourrait être couvert en détail par les seuls mathématiciens les « meilleurs », et parfois les outils et les idées que l’on peut avoir parviennent à trouver quelque chose que les autres bons mathématiciens auraient regardé de trop loin, sans compter sur le fait que même les plus grands mathématiciens ont toujours des faiblesses dans certains aspects de leur recherche mathématique. À partir du moment où l’on a une formation, de la motivation, et du talent en quantité raisonnable, il y aura toujours une part des mathématiques où l’on pourra faire une contribution solide et utile. Il se peut que ce ne soit pas la partie
des mathématiques la plus prestigieuse, mais en fait ça a tendance à être plutôt sain ; dans pas mal de cas l’application d’une technique ordinaire dans un certain sujet peut s’avérer être en fait plus importante que les sujets à la toute pointe. Aussi, il est nécessaire de commencer à se faire les dents sur les parties moins glamour d’un
domaine avant de se lancer dans de quelconques recherches sur les problèmes connus ; jetez un oeil sur les premières publications de n’importe quel grand mathématicien d’aujourd’hui et vous comprendrez ce que je veux dire.

L’excès de pur talent peut finir par être dangereux

Dans certains cas, assez paradoxalement, l’excès de pur talent peut finir par être dangereux dans le développement mathématique de certains chercheurs à long terme ; si les solutions des problèmes viennent trop facilement, par exemple, on peut alors mettre trop peu d’énergie à travailler dur, à poser des questions naïves, ou à élargir son champ de connaissance, et cela peut entraîner la stagnation des compétences. Aussi, si on est habitué au succès facile, sans doute ne développe-t-on pas la patience nécessaire pour s’attaquer aux problèmes vraiment difficiles. Le talent est important, bien sûr; mais savoir le développer et le nourrir est encore plus important.
Il est bon aussi de se souvenir que les mathématiques, au niveau professionnel, ne sont pas un sport (contrairement aux compétitions de mathématiques). L’enjeu en mathématiques n’est pas d’obtenir le meilleur classement, la meilleure note, ou le plus grand nombre de prix et de récompenses; mais c’est plutôt d’accroître sa compréhension des mathématiques (à la fois pour soi-même, pour les collègues et pour les étudiants), et de contribuer à son développement et à ses applications. Pour tout cela, les mathématiques ont besoin de toutes les bonnes volontés possibles.

 

Traduit à partir de la version originale en anglais avec l’autorisation de l’auteur.

]]>
http://maddmaths.smai.emath.fr/index.php/2013/02/24/faut-il-etre-un-genie-pour-faire-des-maths/feed/ 0